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Revue n°2

Altérités

Printemps - Eté 2017

Edito 

Elles sont photographes. Elles déploient leurs images, leurs pratiques et conversations dans une  revue conçue comme un espace de visibilité de femmes artistes.

En guise de fil rouge de ce deuxième numéro, elles ont choisi “l’altérité”.

Notion riche, fondamentale, brûlante et périlleuse...

 

L’altérité est constitutive de notre subjectivité, comme de notre identité. C’est elle qui fait de nous des sujets, des humains face à d’autres humains, reconnus en toute réciprocité comme sensibles, vivants, pensants, différents et égaux.

L’altérité et sa représentation ont aussi une histoire empoisonnée. Car l’universalisme masculin occidental, depuis son regard prétendument neutre et objectif, perpétue de multiples entreprises de désignation des “autres”, de mise en marge et de minoration : femmes, non-blancs, indigènes, pauvres, non valides, minorités sexuelles etc. – autant de catégories reléguées au rang de subalternes et d’humanité secondaire, autant de créatures étrangéifiées et dépeintes comme telles.

L’altérité est aussi ce qui vient nous altérer. L’humain en face de nous qui fait vaciller notre regard installe le doute dans nos certitudes, creuse une faille dans notre chair. Cette altération ne doit pas se solder par la crispation ou les réflexes identitaires mais être accueillie comme interrogation, enrichissement, rencontre ou pas, complexification en tout cas du réel et de l’humain.

 

Au fil des pages de la revue, les personnes représentées et saisies par l’objectif sont très diverses : amis tsiganes, passagers anonymes du métro ou d’une ligne de bus parisien, jeunes autistes, personnes trans, carnavaliers, sœurs jumelles, ouvriers de chantier naval...

Nulle exotisation, nul humanitarisme à travers ces séries d’images, mais un travail artistique de saisie subjective et sensible, où la force des cadrages, la singularité des dispositifs comme des esthétiques nous frappe et nous transporte.

Dans les conversations accompagnant les photographies (autant de légendes nous invitant à les

observer encore plus attentivement), on a le plaisir d’accéder aux démarches créatives et processus de prise de vue, aux résonances du travail avec la biographie des photographes. On aime l’éthique et l’honnêteté de ces points de vue situés, leur force et leur générosité, les aveux qui s’y nichent. Ces mots livrés et dépliés complètent notre cheminement vers l’altérité de chacune des photographes comme des sujets qu’elles proposent à notre regard. Ils accentuent l’acuité de nos perceptions, notre porosité au grain des images, notre propre zone d’exposition et d’irradiation.

Marine Bachelot Nguyên

Publié.e.s dans ce numéro //

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