Les femmes détenues dans l’objectif de Bettina Rheims
Eve, Niniovitch, Elvira et Lagdar, Ramy, Lu, Vaiata… Elles sont une soixantaine, et toutes ces femmes ont un point commun : elles sont incarcérées et elles ont accepté de poser devant l’objectif de Bettina Rheims. Cette galerie de portraits de femmes détenues est actuellement exposée au Château de Vincennes, avant d’être présentée au Château de Cadillac l’été prochain.
Ramy, octobre 2014, Poitiers. ©Bettina Rheims/Xippas
Que connait-on réellement des centres pénitentiaires ? Avant d’y mettre les pieds, il est difficile de se faire une idée réaliste des conditions de vie des détenu.es, d’appréhender ce sentiment de solitude et d’enfermement. En 40 ans de carrière, Bettina Rheims a questionné, exposé et magnifié la féminité. En 2014, elle décide de franchir les portes des prisons françaises pour confronter une réalité, et interroger la représentation de la féminité dans les espaces de privation de liberté. Un projet qu’elle a longtemps gardé en tête avant de s’y atteler. Il en résulte des portraits forts, qui mêlent émotions et questionnements. De ces femmes, nous ne saurons rien, du moins pas grand chose. Un nom, un surnom et un lieu d’incarcération. Pourquoi sont-elles là et pour combien de temps, ce sont des questions que l’on se pose naturellement, mais le travail n’est pas là pour y répondre. L’idée n’est pas de savoir autre chose que ce qu’elles représentent. Dans un studio improvisé, toutes ces femmes sont venues partager un moment intime avec la photographe, un court instant de « liberté » pour envoyer sa propre image au delà des murs. Le début du projet a été de les convaincre.
« Je suis venue leur présenter mon projet. Il fallait qu’elles acceptent de poser pour moi et que les photos soient publiées. Ça n’a pas été facile… Au fur et à mesure du temps que je passais en prison, j’ai compris l’origine de leur méfiance. C’est affreusement dur, elles avaient du mal à comprendre que j’étais là pour elles, que je ne les piégeais pas. Je n’étais pas là pour les trahir mais au contraire pour essayer d’ouvrir une fenêtre et tenter de retrouver leur estime de soi. Car ces femmes, on ne les regarde plus, elles ont le sentiment de ne plus être des femmes… »
Lu, novembre 2014, Rennes. ©Bettina Rheims/Xippas
Des portraits aux regards perçants, des yeux clos, parfois des larmes, des mains venant cacher le visage, des portraits de dos, des poses assurées… Chacune transmet un message dans son portrait. La photographe a réussi à faire tomber le masque, et les détenues se dévoilent…
« C’est compliqué de poser, mais là c’est encore plus difficile. Lorsque ces femmes s’asseyent sur le tabouret ce n’est que de la douleur, il faut essayer en quelques minutes de faire sortir d’autres émotions que cette douleur, essayer d’aller chercher au fond de soi quelque chose d’un peu apaisant" .
Le choix des lieux d’exposition entre en résonance avec le sujet. Au XVème siècle, le donjon de Vincennes sert de prison d’Etat, et reçoit notamment, jusqu’en 1784, des prisonnières politiques. A la Révolution française, le pavillon du Roi devient à son tour – brièvement – un lieu d’incarcération destiné aux femmes dites de « mauvaise vie ». Le château de Cadillac quant à lui, est converti en prison pour femmes en 1818. Des femmes condamnées à des peines diverses y sont incarcérées. De 1890 jusqu’en 1952 le château de Cadillac devient « école de préservation de jeunes filles » où sont placées de jeunes mineures considérées comme délinquantes.
INFORMATIONS PRATIQUES Détenues - Bettina Rheims
• Du 9 février au 30 avril 2018 Château de Vincennes Avenue de Paris 94300 Vincennes Tarif : 9€ / 7€
• Du 1er juin au 4 novembre 2018 Château de Cadillac 4 Place de la Libération 33410 Cadillac Tarif : 5€ / 6€